dimanche 8 octobre 2017

LES CHRONIQUES D'EL'BIB : LE TEXTE DE R'LYEH OU LES PAGES SECRÈTES DU NECRONOMICON






Document : The R’Lyeh Text ou les pages secrètes du Necronomicon, 1995, avec George Hay et Robert Turner (Skoob books, 1996)
Fort du succès de leur Necronomicon (cf 1978), nous trois compères récidivent en s’attaquant à une autre belle pièce du Mythe de Cthulhu.
Pour bien saisir toute la saveur de ce document, il nous faut plonger au préalable dans les rayonnages sulfureux de la Bibliothèque de l’Impossible de Lovecraft et de ses « suiveurs ». Dans Le Retour d’Hastur (The Return of Hastur, in Weird Tales 1939), Derleth nous livre l’une de ses premières « collaborations posthumes » dans laquelle il introduit Le Texte de R’lyeh, d’origine extraterrestre. Il est en effet bien antérieur à la naissance de l’humanité.
On raconte qu’un certain Amos Tuttle se serait procuré auprès d’un prêtre tibétain un exemplaire de ce  Texte de R’lyeh contre son âme et quelque cent mille dollars. En dépit de ses dernières volontés, le neveu d’Amos n’a pas détruit l’ouvrage et a préféré le léguer à la bibliothèque de l’université Miskatonic. Il s’y trouve toujours et fait l’objet de nombreuses consultations (par le Pr Shrewsbury notamment).
Il s’agit d’une véritable Bible du Culte de Cthulhu ! Derleth en donne quelques extraits :
Ph’nglui mgllw’nafh Cthulhu R’lyeh wgah’ nagl fhtagn :
Dans sa demeure de R’lyeh, la Ville morte, Cthulhu attend et rêve
Le Grand Cthulhu s’élèvera de R’lyeh, Hastur l’Indicible reviendra de l’étoile noire qui se trouve dans les Hyades près d’Aldébaran... Nyarlathotep mugira éternellement dans l’obscurité dont il a fait sa demeure, Shub-Niggurath pourra engendrer ses mille chevreaux.
Lllllll-nglui, nnnn-lagl, fhtagn-ngah, ai Yog-Sothoth !


L’ouvrage s’ouvre sur une première préface, signée George Hay. Un texte assez confus sur le déclin de notre civilisation et le proche retour des Grands Anciens. C’est du reste ce qu’il a failli se produire avec le IIIème Reich. Le Mythe est réel… Si nous l’utilisez comme une métaphore pour analyser l’état actuel de notre société, vous serez frappé par sa portée prophétique. On croirait lire du Jean Robin ! [1]

Suit une introduction de Colin Wilson qui ne fait pas moins de 56 pages et qui forme en fait le corps du livre. Un texte étonnant qui est en fait un concentré de la pensée wilsonienne mâtinée de sympathiques délires. La clef de la démonstration repose sur une recherche approfondie sur le Mythe de l’Atlantide en compagnie du Pr Hapgood [2] et de son analyse des cartes de Piri Reis. Un thème qui manifestement fascine Wilson, car nous le retrouverons dans de nombreux autres textes (The Tomb of The Old Ones par exemple, 1999). En résumé, il existait une civilisation évoluée très ancienne basée sur un continent qui « glissera » après une catastrophe tellurique pour former, avant la glaciation, l’Antarctique. Les habitants de ce continent, l’Atlantide, reçurent la visite d’amphibiens venus de Sirius qui leur fournirent les rudiments de la civilisation et initièrent leurs prêtres au maniement d’un cristal magique donnant une conscience infinie, et donc de redoutables pouvoirs. Mais ils abusèrent de cette énergie, occasionnant la destruction du continent. Les survivants migrèrent en Antarctique puis en Egypte. Une démonstration qui fait appel à une galerie de personnages que l’auteur affectionne comme Blavatsky, Steiner, Cayce, Crowley, Kenneth Grant ou Bertiaux et accorde une large place à la magie sexuelle atlantéenne. Lovecraft qui, comme chacun sait, allait pêcher ses visions dans les rêves, était parfaitement au fait de cette histoire inconnue qui est devenue l’un de ses sources d’inspiration ! On se demande pourtant quel est le lien entre ce qui précède et le R’Lyeh Text !



C’est ensuite au tour de l’occultiste Robert Turner de nous présenter les fameuses pages cachées du Necronomicon. Elles sont numérotées de 19 à 29, pour assurer la continuité avec les documents proposés dans le précédent ouvrage. Comme dans celui-ci, le texte fait figure de tranche de jambon très fine, 23 pages dans un sandwich de 176. Un texte qui ne présente aucun intérêt, débutant par deux pages retraçant la quête d’Abdul Alhazred avant de nous asséner des rites et sorts qui sentent bon le pastiche d’obscurs traités du Moyen-âge. Nous sommes en fait en plein hors-sujet, nos trois compères semblant ignorer l’origine du R’Lyeh Text tel que proposé par Derleth.


Robert Turner reprend la plume sous prétexte de commenter le texte. Un prétexte en effet pour nous présenter, avec beaucoup d’érudition il est vrai, son point de vue ésotérique. Il débute par une analyse eschatologique des trois grands courants spirituels (Perse, Christianisme avec l’Apocalypse et Nordisme) pour nous montrer que le Mythe de Cthulhu est d’une toute autre nature. Il ne s’agit plus d’un face à face entre l’homme et Dieu, mais un combat interne entre les divinités qui ignorent superbement l’humanité. Un petit commentaire pourtant. La « théologie » lovecraftienne est loin d’être figée et L’Appel de Cthulhu par exemple nous apprend que les Grands Anciens attendent que des humains « éveillés »  leur permettent de revenir ; c’est en quelque sorte une « parousie » noire qui se prépare !
Turner nous livre ensuite une intéressante analyse des grimoires de magie, en montrant qu’ils procèdent tous de quelques écrits anciens comme The Sword of Moses, The Sefer Raziel, The Sibylline Books or Books of Destiny, écrits mutilés ou délayés dans les traités moyenâgeux. Il passe en revue les manuscrits douteux comme The Red Book of Appin[3] ou The Book of Sogya[4]. Il pointe bien sûr le caractère imaginaire des livres sulfureux de Lovecraft and co, sauf le Necronomicon qui est tout ce qu’il y a de plus authentique. Et de nous donner la preuve ultime : les feuillets publiés par nos compères comportent des références à de vieux grimoires, s’inscrivant ainsi dans une tradition bien établie !
Il consacrera une large place à l’étude du Livre de Dzyan, tel que révélé dans la Doctrine Secrète de Blavatsky. Il est vrai que ce compendium traite largement du monde avant l’apparition de l’homme et du rôle d’entités non-humaines dans l’histoire de l’univers. Le Livre de Dzyan, vieux de quelque 18 millions d’années, serait la source du plus ancien manuscrit hébreu d’occultisme, le Siprah Dzeniouta , du Shu-king chinois, des Puranas hindous, du Book of Numbers chaldéen et du Pentateuque. 
Et de conclure en mettant en garde le lecteur car le Mythe de Cthulhu est une réalité et les forces noires rôdent et attendent.


L’ouvrage se termine par deux magnifiques hors-sujet qui sentent bon le « remplissage ». Patricia Shore s’interroge sur le rôle des « familiers » auprès des sorcières, prétexte pour nous parler du brave Brown Jenkin. Quant à un certain Arnold Arnold, il nous livre une digression sur la relativité générale, la théorie du tout pour terminer sur le principe anthropique. Le nom de Lovecraft n’est pas cité dans cette contribution, alors qu’il y aurait beaucoup à dire !

Je ne peux m’empêcher de clore cette étude en donnant l’opinion de Daniel Harms dans les Necronomicon Files : En 1993, Georges Hay publie une suite à son Necronomicon sous le titre de R’Lyeh Text, supposé contenir les feuillets cachés du Necronomicon. Dans l’univers de la fiction lovecraftienne, ce texte a été inventé par August Derleth après la mort de Lovecraft ? Lovecraft n’a jamais écrit sur ce sujet. De surcroît, Derleth n’a jamais dit que le document était une partie du Necronomicon. Hay, Wilson et Turner semblent ne pas en savoir plus sur Lovecraft que sur la Magie et utilisent un titre inapproprié pour le dernier épisode de leur « soap opera » occulte, claironnant qu’il s’agit de feuillets perdus de l’ouvrage d’Abdul Alhazred. Qu’importe, le R’Lyeh Text est tout aussi débile et inefficace que son lamentable prédécesseur…. Le plus intéressant dans cet ouvrage est le dessin du crocodile sur la couverture !


[1] 4 ème de couverture de Lovecraft et le secret des Adorateurs de Serpents (Trédaniel, 2017) : Howard Phillips Lovecraft (1890-1937) est sans conteste le plus grand auteur américain de récits fantastiques depuis Edgar Allan Poe. Considéré comme le père spirituel de Stephen King, il a créé un univers de terreur hanté par des entités extraterrestres, et très apprécié des jeunes générations... Tout le monde - ou presque - ignore pourtant que cet univers envoûtant ne relève pas de la fiction, mais d'une stupéfiante réalité dont les derniers développements de la physique quantique nous donnent aujourd'hui la clé... Celle-ci était jusque-là détenue par la tradition secrète d'Isaïs à laquelle appartenait le grand initié Lovecraft ! Grâce à une source très proche de la présidence des Etats-Unis, familière de cette tradition, Jean Robin a pu décoder l'œuvre du "Prince Noir de Providence". Il nous apprend ainsi que les célèbres "Grands Anciens" mis en scène par Lovecraft, loin d'être des prédateurs d'outre-espace, sont des initiateurs chargés d'annoncer aux esprits libres, aux chercheurs de Vérité, l'aube d'un monde nouveau étendu aux dimensions du Cosmos et prêt à accueillir les humanités des autres planètes... Tel est en effet le terme de l'Histoire, illustré par le mythe biblique de la Jérusalem céleste qui, sous la forme de la "Citadelle solaire" des Rose-Croix, descendra "du ciel en terre" à la fin des temps.

[2] (Wiki) Charles Hutchins Hapgood (1904 - 1982) est un universitaire américain et l'un des plus grands défenseurs de la théorie des changements des pôles.
Hapgood obtient une maîtrise en histoire médiévale et moderne de l'Université Harvard en 1932. Son doctorat « Travaux sur la Révolution française » est interrompu par la Grande Dépression de 1929. Il enseigne pendant un an dans le Vermont et est secrétaire exécutif de Franklin Roosevelt pour l'artisanat.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, Hapgood travaille dans les services stratégiques (OSS), dans les services de la CIA ainsi qu'au sein de la Croix-Rouge. Il est également agent de liaison entre la Maison-Blanche et le Bureau du Secrétaire de la Guerre.
Après la Seconde Guerre mondiale, Hapgood enseigne l'histoire au Collège de Springfield dans le Massachusetts.
Il étudie avec ses élèves les théories sur le continent perdu Mu ainsi que sur l'Atlantide.
En 1955, Hapgood publie son premier livre, The Earth's Shifting Crust. La préface est écrite par Albert Einstein, peu de temps avant sa mort en 1955. Dans ce livre, ainsi que dans deux autres livres, Les Cartes des anciens rois de la mer (1966) et Le Chemin du Pôle (1970), Hapgood propose la théorie que la croûte terrestre s'est déplacée de nombreuses fois au cours de l'histoire géologique en glissant sur le magma interne. Hapggod n'est pas le seul géologue à avoir fait cette hypothèse qui n'a pas reçu de confirmation et n'est plus considérée aujourd'hui.
Pour son livre intitulé Les Cartes des anciens rois de la mer, Hapgood utilise de nombreuses archives cartographiques trouvées notamment à la Bibliothèque du Congrès américain de Washington, y compris la carte de Piri Reis, dont il prétend qu'elle montre le vaste continent Antarctique et la Sphère du monde du nommé Oronteus Finæus datant de 1531 (en latin ; 1549 en français). Il indique que les pôles avaient varié de 15 degrés vers 9600 av. J.-C., et qu'une partie de l'Antarctique était libre de glaces à l'époque, suggérant implicitement qu'une civilisation glaciaire pourrait avoir cartographié la côte à ce moment-là.
Les hypothèses géologiques de Hapgood ont été infirmées par les recherches géologiques et climatologiques récentes : l'analyse des carottes glaciaires montrant que l'Antarctique serait couvert de glace depuis au moins 800 000 ans. Néanmoins, certains auteurs actuels, comme Graham Hancock, évoquent toujours son travail et démontrent à quel point « l'avis conventionnel » accepté par les orthodoxes peut être dénué de bon sens logique face aux vestiges de l'histoire. Ses thèses ont toutefois inspiré bon nombre de spéculations fantastiques sur l'archéologie et le passé humain, thèses qui selon Garret Fagan ne correspondent pas à la démarche scientifique mais égarent le public. Pour l'historien des sciences Gordon L. Herries Davies ses hypothèses sur la cartographie ancienne sont de la « pseudo-science ».
Hapgood épouse Tamsin Hughes en 1941. Ils divorcent en 1955. Plus tard, il habite en Arizona et à Richmond (New Hampshire). Alors qu'il habite à Greenfield (Massachusetts), il est renversé par une voiture et meurt le 21 décembre 1982. Il a eu deux fils, Frederick (né en 1942) et William (né en 1944), et deux petits-fils.

[3] Cité par Dennis Weathley dans The Devil rides out.
[4] Aurait été possédé par John Dee qui en fait référence dans son Liber MysteriorumPrimus. Serait écrit en langage pré-adamique.

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