samedi 24 juin 2017

SEUL AVEC LA NUIT, H.R. Giger à Nantes





C’est toujours avec plaisir que je retrouve la belle ville de Nantes où j’ai passé de bons moments dans la décade 90. Une ville qui ne cesse d’évoluer en accordant toujours une large place à la culture. Une visite qui m’a permis de retrouver Lauric Guillaud (photo), Jean-Paul Debenat et André Savéant, les trois piliers locaux, et Jean-Christophe Pichon qui avait l’espace d’une journée abandonné ses poules de Logodec pour nous rejoindre. 




Direction le Lieu Unique, cet ancien bâtiment de la biscuiterie LU, transformé en un grand centre culturel qui abritait une exposition hommage à H.R. Giger, Seul avec la Nuit (entrée libre).


Nous avions, en 2014, sous le pilotage éclairé de Hugo Soder, visité son fantastique musée à Gruyères, Suisse. C’était en avril et en mai, l’artiste a trouvé le moyen de se tuer bêtement en tombant dans un escalier. Il avait 74 ans.
Giger m’a toujours fasciné, et j’ai eu la chance de le rencontrer au Festival Chimeria de 2012, cette grande manifestation des Arts Graphiques donné dans ma ville natale de Sedan. Plus réduite par définition que celle du musée de Gruyères, l’exposition nantaise laisse une impression agréable d’espace et de légèreté, alors que celle de Suisse suscite un parfum oppressant, malaise certainement dû à la forte concentration d’horreurs qui y sont rassemblées. 



Car Giger est un artiste tourmenté qui, à côté de son célèbre Alien, a exprimé avec violence sa phobie des bébés, son dégoût du phénomène de l’accouchement et son amour équivoque pour les femmes, suite à des relations agitées avec ses premières égéries, Li et Mia. 




Des phantasmes qui donneront de grandes œuvres : l’un des murs du bar Giger est tapissé de crânes de nouveaux nés ; le vagin de la femme se transforme en une monstrueuse machine broyeuse ; quant à ses égéries, elles n’hésitent pas à s’accoupler avec le Baphomet.


La manifestation ligérienne était plutôt tournée vers l’incontournable Alien et sur une création artistique étonnante, mêlant l'organique et la mécanique, œuvres mutantes à la frontière des deux mondes. Cette nouvelle forme d'art, qui s'inspire notamment des univers formels de Dado, Gustave Moreau, d'Hector Guimard et de Hans Bellmer, sera nommée par lui-même la biomécanique. Un courant très à la mode aujourd’hui sous le nom de transhumanisme[1]


On y retrouvera évidemment les illustrations de notre livre maudit préféré. C’est en 1977 que va paraître en effet le fameux portfolio connu sous le nom de Necronomicon de Giger (Sphinx Verlag, Basel[2]). Giger a découvert Lovecraft par son ami Robert B. Fisher qui lui avait demandé une illustration pour son fanzine Cthulhu News. Il publiera ensuite un Necronomicon II en 1985. En 1975, il avait déjà participé à un film de Golowin intitulé H.R. Giger Necronomicon. En fait, et en dépit du titre emprunté à notre livre sulfureux, ces travaux sont assez éloignés de l’œuvre d’Abdul Alhazred. Il s’agit en fait essentiellement d’une compilation des somptueuses créations de l’artiste relevant de la biomécanique.


Autre belle évocation :  en 1975, il est approché pour travailler sur le projet d’adaptation de Dune par Alejandro Jodorowsky, pour lequel il conçoit l’environnement des Harkonnen. Il y travaille jusqu’en 1977, année où le projet est abandonné, les financiers s’étant retirés. Ses travaux conceptuels sont cependant visibles dans ses livres. On pourra notamment voir la magnifique table de réunion des Empereurs de Dune et leurs fauteuils étonnants. La reconstitution de « petit train de l’épice », certainement parce que trop volumineuse, est hélas testée à Gruyères.


Et puis, n’oubliez pas d’acheter en sortant le catalogue de l’exposition publié par « Le Lieu Unique ». Il reprend les tableaux et sculptures de l’exposition, après une introduction consistante sur l’œuvre de Giger. Et il ne coûte que 20 €.


3 - Jusqu’au 19 novembre, exposition « Corps Concept » sur le transhumanisme à la Maison d’Ailleurs (Yverdon, Suisse).

[2] On recommandera la belle édition de 1991 (rééditée en 2005) chez Morpheus International avec une introduction de Clive Barker.

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