mardi 9 juillet 2013

CRYPTOZOOLOGIE A RENNES-LES-BAINS

L'amphibien fabuleux

Publié le 08/07/2013 à 07:48

LA DEPECHE 

biodiversité

En voilà un qui a tout d'un animal légendaire, à l'instar de la salamandre. L'euprocte s'est laissé approcher et photographier sur le bord du ruisseau./ Photo DDM, CSB
En voilà un qui a tout d'un animal légendaire, à l'instar de la salamandre. L'euprocte s'est laissé approcher et photographier sur le bord du ruisseau./ Photo DDM, CSB
Vieille de 65 millions d’années, cette espèce protégée d’amphibien vit dans l’Aude, les Pyrénées, la Corse et la Sardaigne. L’euprocte fait partie des trésors audois au plan de la biodiversité. Un trésor délaissé.
C’est le genre de pépère qui impose le respect. Et d’une, pour sa longévité. L’euprocte a chatouillé les pattes géantes des derniers dinosaures et leur a survécu. De la taille d’un lézard, l’espèce de cet amphibien à bouille ronde, corps sombre et vif comme l’onde affiche 65 millions d’années au compteur ! Et de deux, pour son extraordinaire capacité à se régénérer. On lui coupe un doigt de pied ? Il repousse. Un œil ? Idem. Et même une partie du cerveau ! On vous enjoint fermement, toutefois, à ne pas jouer les Docteur Folamour et laisser cette petite bestiole protégée vivre sa vie tranquillou dans les cours d’eau. Dans les cours d’eau audois dont elle raffole. C’est là la troisième raison de s’intéresser à cet urodèle localisé dans trois zones de la planète : la chaîne pyrénéenne, la Corse et la Sardaigne.
Dans l’Aude, championne à plus d’un titre en matière de biodiversité, c’est à la fin des années 80 que cette sorte de salamandre aquatique a été identifiée. Vers la fin des années 90, Bruno Le Roux (fédération Aude Claire) et Olivier Guillaume, chercheur au laboratoire souterrain de Moulis ont conduit un programme de recherches sur l’animal en milieu naturel. Et là, bingo ! La prospection permet d’inventorier 35 sites audois où loge l’amphibien. Parfois en masse, comme dans le ruisseau du Cass-Riats, entre Rennes-les-Bains et Bugarach. À l’époque, sur les 3 km observés, 1 066 euproctes avaient été comptabilisés. La plupart des informations recueillies sur les us et coutumes de cette espèce tiennent à ce seul programme. Au grand dam de Bruno Le Roux qui regrette qu’un plan national de gestion et de préservation de l’espèce ne soit pas lancé, à l’instar des plans dévolus au desman des Pyrénées ou à la loutre. “Les recherches ont permis de faire progresser la connaissance au niveau de la génétique. En fait, l’espèce a évolué en diverses sous-espèces. Ces micropopulations sont différentes dans chacun des sites. Il n’y a plus de brassage des populations. Du coup, la moindre modification du milieu peut être fatale à l’euprocte. Et plus particulièrement le réchauffement climatique car il aime les eaux plutôt fraîches : pas plus de 12°», explique le naturaliste. Au-delà, l’amphibien est un réservoir de ressources pour la recherche médicale, du fait de sa disposition à la régénération. Pas seulement ! Cet amateur de rivières ou grottes ultra froides, s’accommode très bien des températures négatives. Il s’auto-congèle, tout simplement, et n’en meurt pas. Un fabuleux pépère on vous dit !

Un tableau légendaire primitif

C’est le long du Cass-Riats, aux côtés de Bruno Le Roux, que nous sommes partis observer l’euprocte, la semaine passée. Même si on n’avait pas réussi à voir l’amphibien, la balade aurait été un enchantement. Ce coin de rivière niché dans l’épaisse forêt a tout du tableau légendaire primitif avec ses fougères, ses lichens, ses mousses touffues qui pendent des branches et cette eau qui bondit joyeusement sur la roche. On verrait une licorne nous saluer qu’on ne trouverait rien d’irréel à cela ! Les cascades de tuf offrent des bassines où l’euprocte n’est pas le seul locataire : crapauds accoucheurs et autres tritons palmés y ont établi leurs quartiers.

Le chiffre : 1066

euproctes > au fil de 3 km de rivière. C’est le nombre d’individus qui avait été recensé sur le site du Cass-Riats à la fin des années 90. L’amphibien vit depuis des millénaires dans l’Aude.
«L’espèce a évolué en sous-espèces. Ces micropopulations sont différentes dans chacun des sites. Il n’y a plus de brassage des populations. Du coup, la moindre modification du milieu peut lui être fatale».
Bruno Leroux, fédération Aude Claire

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