jeudi 17 juillet 2008

GISORS FOR EVER



Les participants au Colloque de l’ARTBS Gisors/2004 ont eu l’occasion d’entendre Joël Godard nous parler des Mythes et Légendes de Gisors. Joël Godard est secrétaire de la Société Historique et Géographique du Bassin de l’Epte (SHGBE) et avait fait le point, dans le numéro 27 des Cahiers de cette association (1991, toujours disponible en tiré à part), sur Le Prisonnier de Gisors. Un beau travail d’érudition qui traque les sources du Mythe et remet l’histoire à sa juste place, même si elle peut apparaître comme étant moins romantique que ce que l’on avait été habitué à lire.
L’auteur commence par retracer l’histoire….. de l’histoire de Gisors. Force est de constater que les historiens locaux n’ont pas été légion, et que plusieurs de leurs travaux ont disparu ou nous sont parvenus incomplets. En fait, ce n’est pas dans les travaux de nature historique que la légende a commencé à prendre corps, mais dans la fiction romanesque. Le signal de départ a été donné en 1820 par Taylor et Nodier dans Voyages Pittoresques et Romantiques dans l’Ancienne France. Apparaît en effet un mystérieux prisonnier de haute lignée, qui cherche à tuer le temps et oublier un indicible malheur en sculptant de nombreuses scènes, profanes et religieuses, sur les murs de sa geôle. Nodier situe cette affaire entre les règnes de Louis XII et d’Henri III. Mais la légende va prendre sa véritable dimension en 1824, avec le roman de Mme Simons-Candeille, Blanche d’Evreux ou le prisonnier de Gisors. L’affaire se colore en effet d’une relation amoureuse coupable dont le fruit aurait été la petite Jeanne de France. Le prisonnier et « sa fille » seraient enterrés avec de nombreux joyaux dans le souterrain qui « relie » Neaufles à Gisors. Cette veine romantique sera ensuite exploitée par d’autres auteurs, comme d’Arlincourt, Dubreuil, Rabutté et Eugène Anne.
Quant à l’identité du prisonnier, un écrivain local, Potin (1835), croira l’avoir démasquée en la personne de Nicolas Poulain, ayant laissé son nom dans l’histoire pour avoir dénoncé un complot à Henri III en 1587 . Mais ce n’est qu’une simple hypothèse de travail ne reposant sur rien de concret. D’autres auteurs croiront reconnaître Wolfhang de Polham (emprisonné par Louis XI à la bataille de Guinegate en 1479) ou encore Geoffroy Lebardier (ayant inspiré le phtisique de l’église en 1526 ?). Joël Godard recentre le débat sur les « prisonniers officiels », ayant laissé des traces dans l’histoire locale, et notamment Simon de Macy (1314) et Pierre Forget.
Ce dernier, selon le récit de son évasion qui nous est parvenu, aurait traversé la fameuse Chapelle Sainte-Catherine. Une chapelle qui, selon de Sède inspiré par les dires de Lhomoy, était souterraine et conservait le trésor des Templiers. Une chapelle, qui selon les historiens, était en surface à proximité de la Tour du Gouverneur. Anecdote qui donne prétexte à notre chroniqueur pour pourfendre « la belle histoire ». Les Templiers à Gisors n’étaient que trois pour garder les enfants de Henri II et Louis VII, enfants qui devaient se marier lorsqu’ils auraient atteints l’âge requis. Le plan de la chapelle Sainte-Catherine proposé par de Sède figure bien sûr dans les pages manquantes d’un ouvrage d’histoire locale (Bourdet). L’autre document évoqué dans Les Templiers sont parmi nous par sa cote aux Archives Nationales est un document tronqué qui ne fait aucune allusion à la dite chapelle. La fable de Nicolas Poulain est bien sûr reprise pour argent comptant par ce même auteur. Et de conclure en citant les travaux du chanoine Tonnelier qui, en 1971, démonta pièces par pièces le Mythe dans la revue Archéologia (no 43, 1971).
Un travail à lire et à relire.

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